Le Châtelet de Crédo

Le Châtelet de Crédo, place fortifiée, fut le centre administratif et militaire du mandement de Crédo qui comprenait du Xème au XIVème siècle les paroisses actuelles de Cornier, Scientrier, Arenthon, Pers, Saint-Romain, Reignier, Arbusigny et La Muraz.
Véritable forteresse féodale construite autour de l’an mil, restaurée au XIIIème siècle, il présentait une double enceinte avec fossé, deux grandes tours (l’une ancienne, carrée ; l’autre plus récente, ronde), deux autres tours plus modestes : dispositif défensif qui abritait une ville avec franchises
et bourgeois.

Elle fut peut-être construite par un chevalier de la première maison de Crédo, sur les terres du Comte de Genève, chevalier qui imposa son nom, ou prit lui-même le nom de cette terre.
Origine du nom possible : Crédo – Crédonium – Cradonium – Carniensis – Corni – Cornillé – Cornier, avec d’autres dérivés : Cradonium – Craon – Cran.
Situé sur les terres de la famille du Faucigny au début du XIIème siècle, il fut notamment la propriété d’Aymond de Faucigny qui légat la forteresse à sa fille Agnès, épouse de Pierre II de Savoie, « le petit Charlemagne ». La succession d’Agnès et de Pierre engendra des conflits familiaux et politiques.
Le Châtelet de Crédo fut donné le 15 novembre 1263 en gage par Béatrice, fille d’Agnès et de Pierre II, à Béatrice de Thoire, qui le remet elle-même en gage le 13.02.1270 à Philippe 1er, Comte de Savoie, qui le restitue aussitôt à Béatrice. Celle-ci le remet le 26.05.1293 à Amédé V, Comte de
Savoie, pour le reprendre en fief avec son gendre Humbert 1er Dauphin. La suzeraineté de la Maison de Savoie sur Crédo est confirmée au traité de Montmélian. Lors de la cession du Faucigny et Dauphiné par le dernier Dauphin, en 1349, à la France, puis en 1355 à la Savoie, le mandement et la forteresse allèrent ainsi définitivement aux Comtes de Savoie. Lors de cette guerre menée par les Comtes de Savoie pour prendre possession de ces terres, la forteresse du Châtelet de Crédo fut la dernière à se rendre.
Le 09.09.1435, le Duc Louis 1er de Savoie inféode le Châtelet de Crédo comme co-seigneurie à Amédée de Viry et Jean Duclos. Ceux-ci vendent le Châtelet le 28.01.1441 à Philippe de Savoie, Comte de Genève qui l’inféoda ensuite aux Compeis, notamment à Jean II de Compeis, Jean IV,
Philibert II, biens confisqués en 1479 par le Duc de Savoie suite au drame de Rolle qui coûta la vie à Bernard de Menthon.
En 1505, le fief fut vendu par les Savoie aux consorts Nicolas et François de Marsan, revint en 1514 à la Famille de Genevois Nemours jusqu’en 1659, époque à laquelle il entra de nouveau dans les domaines des Ducs de Savoie.
Ruiné, il fut mis aux enchères, adjugé le 22.05.1700, à Maurice Graneri, président du Sénat de Savoie et à son frère, abbé Marc Anthoine. Il est inféodé des terres de Crédo en 1702. Les Graneri Comtes de Mercenasco, Piobe, Carpenetto en Piemont, furent élevés au rang de Marquis de La
Roche et du Châtelet de Crédo.


chatelet du credo

Transcription :
1. L’an Mil six centz et six et le trentiesme jour du mois
2. d’avril par devant moy notaire soubsi(gne) en pr(esen)ce des
3. tesmoins soubz nommes Cest personnellement constitue hon(nête)
4. Jean filz de feu hon(nête) pierre Nye alia(s) rosset marechal
5. de la paro(iss)e de Scientrier Lequel po(ur) luy et les siens
6. confesse debvoir A Messir)e claude dethoire p(rese) tac(ceptant)
7. la somme de deux centz quarante neufz florins mon(…)
8. dix quart de froment huitz coppes de bled sellouz deux
9. coppes de feves une coppe de pesettes et orge un quart
10. de gremaud ung quart de noix le tout bon et recepvable
11. mesure de chastellet de credoz et ce pour final compte
12. de tout ce quil luy porroit debvoir des tout le temps
13. passe jusques a ceiourdhuy occa(s)ion de l’admodia(t)ion
14. quil a tenu avec claude layne et claude le puisne
15. des biens dusd(it) dethoire que requeste y pres(entement doit)
16. comprendre une aultre obliga(t)ion quil a passe avec Jean
17. son frere et claude chescun paiable lad(ite) somme et quantite
18. damps ung an prochain a peyne de tous despens dommag(es)
19. et interest obliga(t)ion de corps et biens quil ce
20. (con)stitue tenir renonc(iation) et close requises faict et pa(sse)
21. Arenthon dans la cure dusd(it) lieu present hon(ora)ble beno(ist)
22. filz de vincent Goy bovier de boringe et fran(cois) moenne
23. tesmoins requis. Combien que par aultre soit escrit
24. et moy pierre Jaquenod bourgeoys d annessi not(taire)
25. publicq a ce requis.

Jaquenod not(aire)


Cet acte notarié a 398 ans. Il a été aimablement prêté par M. Raymond DUVERNAY et transcrit avec l’aide de Francis Baulet de Cornier.
Remarques : L’écriture des mots est conservée. Les parenthèses signalent des abréviations ou des parties disparues (fin de ligne ou pliure de la ligne 15). Le début et la fin du texte sont des formules de notaire (ex. lignes 19 et 20 : risques judiciaires et ligne 23 : l’acte sera inscrit par une
autre main dans le registre des actes notariés, c’est-à-dire le tabellion.)
L’acte, passé à Arenthon, concerne la famille des Dethoire, seigneurs de Bossy, de Bellecombe, co-seigneurs d’Arbusigny etc… et la famille de Jean, Claude l’aîné et Claude le puîné (second) des Marchal-Ni dits Rossdee tScientri.e Irls ont reçu en fermage (admodiation) une terre pour
laquelle ils doivent payer le cens annuel en florins et en nature : des céréales (la nourriture de base), des fèves et pesettes, des cerneaux de noix et des noix entières. L’acte est une obligation (dette plus ancienne ou fermage de l’année ?) qui rappelle les droits et le prochain terme. Il est
courant.
L’ancien florin de Savoie est utilisé jusqu’en 1770. Les 249 florins correspondaient au minimum vital annuel d’une famille pauvre. On aura remarqué que les mesures utilisées sont les mesures du Châtelet tout proche : 10 quarts de froment (10x4,96 litres) soit 49,6 litres, 8 coupes de blé
(8x79,35 litres) soit 634,8 litres, 2 coupes de fèves (158,7 litres), 1 coupe de pesettes et orge (79,35 litres), 1 quart de cerneaux (4,96 litres), 1 quart de noix (4,96 litres). Au total 932,37 litres de récolte.
La redevance est importante mais il est difficile de dire à quelle surface elle correspondait dans le contrat seigneurial. La terre produisait, au mieux, le double de la semence et il fallait laisser les champs se reposer une année en les retournant fréquemment. A Scientrier, beaucoup de
familles dpendaient des Dethoire. La paroisse avait cependant lavantage de pouvoir produire du froment sur ses terres limoneuses.

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Source SCIENTRIER - Bulletin Municipal - avril 2004